ZOULIKHA

Publié le par azl

UN CONTE DE MY ALI

La petite Cosette Boubkerie...

Elle s'appelle Zoulikha. Elle s'appelle encore Zoulikha parce qu'elle vit encore. Oui, Zoulika vit en France. Elle est mariée avec un Algérien. Elle a des enfants et elle est très heureuse. Elle voudrait taire son identité. Certains d'entre nous vont la reconnaître. Elle n'a pas peur pour celà. Elle dit que c'est du passé. Mais elle n'arrive pas à se détacher de ce passé qui nous hante tous.

Zoulikha est une intellectuelle. Elle parle un français irreprochable et un dialecte Boubekri qui étonne. Pourtant, elle vient de l'Algérois. Du moins c'est ce que lui disait son père. Elle n'est pas sûre que ce soit son père. Mais de sa mère elle ne s'en souvient pas. Elle a été élevée par sa belle-mère. Tous les trois : son père, sa belle-mère et elle sont venus se réfugier au Maroc pendant la colonisation.

Elle avait à peine trois ans. Ils habitaient une des premières rues de la Sakaya 2, la seule fontaine des maisons CA2. Elle dit la première rue à droite au-dessus de la fontaine 2.

La troisème fontaine ce fut celle de Si Mammamer. Elle se rappelle qu'à une cinquantaine de mètres il y avait la fontaine du poste des Mokhaznis et encore deux autres avant d'arriver à l'abattoire.

Maintenant elle se demande pourquoi ces fontaines existaient et ne se rappelle pas si l'eau courante arrivait à toutes les maisons.

Alors quand Zoulika parle de son métier parce qu'elle en a en France; elle dit que le consommateur est devenu roi. Et du coup elle pense à Mohammed V. Elle jure l'avoir vu sur la lune, étant petite.

Son père aimait feu Mohammed V mais Hassan II ?

Si on lui demandait ce qu'elle voulait dire par le consommateur est devenu rroi. Elle répond que le consommateur des biens culturels évolue et son appétit est toujours attisée par l'offre.

Cela Zoulikha le constate quotidiennement parce qu'elle travaille dans ce domaine. Elle se rappelle sa jeunesse et la raconte sans haine ni gêne.

Nous allons y revenir.

Mais si on lui demandait d'illustrer son argumentation. Elle déballe tout comme le camion venu à la Kissariat déballer ses pastèques aux mois de juin et juillet.

Elle parle des chaînes cablées, de l'ordinateur, du téléphone mobile, des mutliplex, de l'intrernet, du magnétoscope, du lecteur CD etc... Elle ne s'arrête pas. Et chose curieuse, elle sait tout ou presque concernant les nouvelles technologies de la communication.

Vous me direz que c'est normal pour quelqu'un qui vit son temps et qui a épousé ce métier.

Zoulikha repense à sa jeunesse et dit que les Boubekris n'avaient pas eu cette chance. Ils avaient entendu parler de l'ordinateur parce que Zellidja l'utilisait déjà pendant les années soixante pour la paye des ouvriers et des employés.

Elle se rappelle encore de la fiche de paye de son père, une fiche perforée et écrite avec une encre spéciale identique à celle de la machine à écrire. Elle dit avec certitude que ce ne fut pas l'encre des rubans de la machine à écrire. La mémoire de la juenesse est infaillible.

Elle arrivait à déchiffrer quelques informations pour les traduire à son papa. Il lisait cependant mais il voulait la tester pour savoir si elle apprenait bien à l'école de Sidi-Boub.

Zoulikha parle de son entrée à l'école primaire. Ce fut un hasard. Ce fut grâce à un rêve. Oui un rêve que sa belle-mère avait fait.

Zoulikah ne peut se retenir de rire. Ses dents blanches, ses lèvres fines et toutes rouges, ses cheveux noirs parsemés de quelques mèches grises lui donnent une grâce sans fard.

Mais comment un rêve pouvait-il emmener une fille presqu'orpheline à l'école. ?

Zoulikha se rappelle comment elle est arrivée à Sidi-Boub. On lui avait promis monts et vaux. On lui avait décrit le Maroc comme un paradis, un lieu où les gens vivaient paisiblement. Elle avait retrouvé le même accent que celui de son père et les mêmes habitudes que celles des Oranais.

Certaines personnes crachaient dans les rues et elle avait aussi remarqué qu’ils utilisaient la Chamma comme son père.

Cette habitude la répugnait. Les personnes âgées portaient aussi des bâtons à la main exactement comme dans l’Algérois.

Mais ce qui la frustrait c’est que le Maroc tant décrit vivait aussi sous le joug de la colonisation française. Une colonisation déguisée en protectorat. C’était du pareil au même.

Zoulikha était encore jeune, très jeune mais elle se rappelle encore des voisins et de certains marchands. Elle décrit Aïchalmarrokia la copine de sa maman comme si elle était encore devant elle.

Aïchalmarrokia c’est le surnom qu’avait donné sa belle-mère à Aïcha. Elle ne devait pas le savoir. Alors quand Aïcha venait chez eux c’était Aïcha mais dès qu’elle franchissait le seuil de la porte c’était Aïchalmarrokia.

Zohra sa belle-mère l’avait toujours envoyé faire des petites courses. Dans la rue elle rencontrait les écoliers qui allaient avec de beaux cartables qui sentaient l’odeur du cuir. Ses écoliers la fascinait avec leur tablier bleu. Ils marchaient rapidement. Ils étaient tous propres, bien coiffés, bien chaussés et certains d’entre eux sentaient bons. Elle les regardait mais personne ne leva les yeux pour la voir. On dirait que Zoulikha était transparente.

Le ramadan arrive. Zoulikha voulait prendre son premier Shour mais sa belle-mère avait voulu oublier de la réveiller. Zoulikha avait l’habitude de voir ses désirs occultés. Elle n’avait pourtant jamais éprouvé de haine à l’encontre de sa belle-mère.

Un jour, elle lui parla de l’école et des écoliers. Elle entendit une réponse sèche qui la cloua au sol. L’école n’est pas faite pour les filles. On n’apprend rien d’intéressant. Il vaut mieux apprendre à cuisiner pour servir son mari et lui plaire.

Zoulikha avait une âme de feu prête à se consumer pour un idéal. Elle s’adressa à Dieu discrètement.

La nuit, elle alla se blottir dans son petit coin à ras du sol dans la même chambre où dormaient ses parents. Elle entendit souvent sa belle-mère crier, gémir, s’essouffler, ne plus pouvoir respirer. Elle ne comprenait pas ce qui se passait jusqu’au jour où elle surprit une conversation entre Aïchalmarrokia et sa belle-mère.

« Oui, il pèse de tout son poids sur mon corps et j’étouffe, il s’assoit sur moi et je n’arrive pas à respirer ».

Aïcha lui apprit que c’était Boujiaf et qu’il fallait consulter un Fkih. À l’aide d’un Hjab elle pourrait mieux dormir, ne plus crier la nuit ni gémir ni s’essouffler.

Elle demanda à Zoulikah de porter un plat de couscous au Fkih et de lui raconter son malheur.

Quand Zoulikha arriva devant le Fkih elle commença à pleurer. Elle dit qu’elle voulait aussi apprendre le Coran dans son école. Mais elle trahit un secret familial. Elle apprend au Fkih que sa belle-mère n’observait pas le jeûne. Et c’est peut-être pour cela que Boujiaf venait tous les soirs l’étouffer.

Zoulikha se rappelle comment elle est arrivée à Sidi-Boub. On lui avait promis monts et vaux. On lui avait décrit le Maroc comme un paradis, un lieu où les gens vivaient paisiblement. Elle avait retrouvé le même accent que celui de son père et les mêmes habitudes que celles des Oranais.

Certaines personnes crachaient dans les rues et elle avait aussi remarqué qu’ils utilisaient la Chamma comme son père.

Cette habitude la répugnait. Les personnes âgées portaient aussi des bâtons à la main exactement comme dans l’Algérois.

Mais ce qui la frustrait c’est que le Maroc tant décrit vivait aussi sous le joug de la colonisation française. Une colonisation déguisée en protectorat. C’était du pareil au même.

Zoulikha était encore jeune, très jeune mais elle se rappelle encore des voisins et de certains marchands. Elle décrit Aïchalmarrokia la copine de sa maman comme si elle était encore devant elle.

Aïchalmarrokia c’est le surnom qu’avait donné sa belle-mère à Aïcha. Elle ne devait pas le savoir. Alors quand Aïcha venait chez eux c’était Aïcha mais dès qu’elle franchissait le seuil de la porte c’était Aïchalmarrokia.

Zohra sa belle-mère l’avait toujours envoyé faire des petites courses. Dans la rue elle rencontrait les écoliers qui allaient avec de beaux cartables qui sentaient l’odeur du cuir. Ses écoliers la fascinait avec leur tablier bleu. Ils marchaient rapidement. Ils étaient tous propres, bien coiffés, bien chaussés et certains d’entre eux sentaient bons. Elle les regardait mais personne ne leva les yeux pour la voir. On dirait que Zoulikha était transparente.

Le ramadan arrive. Zoulikha voulait prendre son premier Shour mais sa belle-mère avait voulu oublier de la réveiller. Zoulikha avait l’habitude de voir ses désirs occultés. Elle n’avait pourtant jamais éprouvé de haine à l’encontre de sa belle-mère.

Un jour, elle lui parla de l’école et des écoliers. Elle entendit une réponse sèche qui la cloua au sol. L’école n’est pas faite pour les filles. On n’apprend rien d’intéressant. Il vaut mieux apprendre à cuisiner pour servir son mari et lui plaire.

Zoulikha avait une âme de feu prête à se consumer pour un idéal. Elle s’adressa à Dieu discrètement.

La nuit, elle alla se blottir dans son petit coin à ras du sol dans la même chambre où dormaient ses parents. Elle entendit souvent sa belle-mère crier, gémir, s’essouffler, ne plus pouvoir respirer. Elle ne comprenait pas ce qui se passait jusqu’au jour où elle surprit une conversation entre Aïchalmarrokia et sa belle-mère.

« Oui, il pèse de tout son poids sur mon corps et j’étouffe, il s’assoit sur moi et je n’arrive pas à respirer ».

Aïcha lui apprit que c’était Boujiaf et qu’il fallait consulter un Fkih. À l’aide d’un Hjab elle pourrait mieux dormir, ne plus crier la nuit ni gémir ni s’essouffler.

Elle demanda à Zoulikah de porter un plat de couscous au Fkih et de lui raconter son malheur.

Quand Zoulikha arriva devant le Fkih elle commença à pleurer. Elle dit qu’elle voulait aussi apprendre le Coran dans son école. Mais elle trahit un secret familial. Elle apprend au Fkih que sa belle-mère n’observait pas le jeûne. Et c’est peut-être pour cela que Boujiaf venait tous les soirs l’étouffer.
Zoulikha lève les yeux vers le Fkih et dit : « écoute Sid Attaleb !... ». Il ne la laissa pas finir sa phrase et la regarda droit dans les yeux. Elle avait peur. Elle avait tout de suite baissé la voix et les yeux en même temps.

Le Fkih était capable de tourner la bague dans sa main, pensa-t-elle et un Afrit pouvait sortir et la jeter dans le désert, Attalt Al Khali ou bien encore il pouvait la transformer en gaufrettes.

Elle adorait les gaufrettes de Sidi-Boub. Son père le savait et il lui en ramenait à chaque occasion. Le Fkih lui dit « je ne m’appelle pas Attaleb ! J’ai été Taleb, maintenant je suis Fkih. Le Fkih c’est celui qui a étudié la théologie et il n’a aucun pouvoir sur les Jnouns comme tu le penses dans ta petite tête ! ».

Mais comment a-t-il fait pour deviner ce qu’elle avait dans sa petite tête ?

Il pouvait lire dans les pensées ce Fkih. Il pouvait aussi parlementer avec Boujiaf qui dérangeait sa belle-mère.

Elle fut déstabilisée après ces paroles. Elle répéta au fond d’elle-même …Il lit dans les pensées ce Taleb, ah non ce Fkih. !

Il lui prit la main. Une main toute froide et chétive. Lui mit une cuillère sur la paume et l’invita à manger la première. « Mais Monsieur Tal…Lafkih ! C’est pour vous le couscous ! Maman l’a préparé pour vous. Elle désire que vous lui faites un Kitab ».

Le Fkih posa la main sur l’épaule de Zoulikha et lui dit : « un Hijab et non Kitab ! ».

« Oui ! Monsieur Lafkih ! Aïchalmarrokia dit comme cela Lahjab mais pour nous cela veut dire rideau ».

« Je sais les algériens disent Kitab, le Kitab c’est le livre et le Hijab c’est ce que désire ta belle-mère, non ? »

"Oui ! Sid Lafkih ! J’ai compris ! C’est exactement cela, une sorte de rideau qui viendra se tisser entre ma belle-mère et ce Boujiaf qui la harcèle toutes les nuits ».

Zoulikha dit : « Bismillah ». Elle commença à manger et se rappela qu’il fallait dire au Fkih que sa mère…Mais le Fkih lui fit signe de ne pas parler la bouche pleine.

Le Fkih était tout le temps occupé à écrire des lettres bizarres que Zoulikha ne comprenait pas. Il utilisait une encre spéciale et de temps en temps quand il y avait trop de Smakh sur le Kalam il le passait sur la tête de l’élève assis à côté de lui. C’est quand même bizarre cette obéissance des élèves. Ils sont là assis à écouter le Fkih toute la journée, à réciter, à apprendre par cœur, à psalmodier. Cette atmosphère lugubre lui plaisait pourtant.

Elle voudrait aussi venir s’asseoir sur un tapis avec les élèves avoir sa planchette et son Kalam pour apprendre le Coran.

Elle avait fini de manger. Elle se leva pour aller boire. Le Fkih lui demanda de s’asseoir. Il fit un geste et un élève comprit tout de suite. Il lui ramena une Goulla et un verre en terre glaise.

La Goulla était entourée d’une étoffe qui ressemblait bizarrement aux tissus faits avec de la ficelle pour envelopper les sucres en pain enfouies dans de la paille. Elle avait vu cette étoffe chez les épiciers de la Kissariat.

L’eau était fraîche. Elle but quelques gorgées remercia l’élève qui avant de se lever jeta un coup d’œil furtif au plat de couscous.

Le Fkih avait suivi son regard et sans lui parler l’invita à prendre le plat. Aussitôt un cercle se forma autour du plat de couscous, et un autre cercle et encore un autre cercle. En un court instant, le plat fut vide, essuyé, nettoyé. Il n’y avait même plus de restes de graisse ou de légumes. Rien absolument rien.

Zoulikha a gardé toute sa vie cette image dans sa tête. De vrais gloutons ces élèves. Elle ramassa le plat et demanda au Fkih s’il avait préparé le Hjab.

Il lui dit que c’est sa belle-mère qui devait venir le chercher sinon il n’aurait pas l’effet désiré.

Zoulikha un peu déçue alla raconter à sa belle-mère que le Taleb n'avait pas écrit le Ktab qu'elle désirait et qu'elle devait encore supporter le Boujiaf qui allait venir la harceler une fois de plus durant la nuit.

Zohra fit prise de panique et décida d'aller voir Aïchalmarrokia. Une fois chez sa voisine elle fit surprise par une odeur de tabac.

"Aïcha ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Tu fumes en plein ramadan ?"

"Écoute Zohra ! Il n'y a que mon mari et toi qui connaissez mon secret. J'ai commencé à fumer très jeune et je continue à le faire discrètement. Tu sais que les Zoufrias sont friands de racontards et je te demande de taire mon secret"

Zoulikha savait que sa belle-mère ne respectait pas le ramadan non plus mais ne savait pas que Aïchalmarrokia fumait.

Les deux femmes se retrouvèrent devant le Fkih. C'est Aïcha qui prend la parole et dit :

"Sbah al Kheir à Sidi"

"Sbah al Kheir à Lalla ! Vous pouvez nous laisser en tête-à-tête Zohra et moi. Je sais que vous êtes Aïchalmarrokia et ce n'est pas vous qui êtes concerné par le Hjab"

"Hum ! comment Aïchalmarrokia ? Quel est ce surnom ?"

"Je vous expliquerai plus tard ! Allez éloignez-vous ! Laissez-moi parler à Zohra !"

Aïcha s'éloigna et s'assit devant la porte. Les élèves la regardèrent en bougeant le thorax et en récitant le coran. Certains avaient un bout de bois à la main et le frottaient contre la plachette.

C'étaient les AL KARRAKA. Ils s'apprêtaient à terminer le Hizb et bientôt ils iraient grossir le cercle des Tolbas dans la mosquée.

"Écoutez Zohra ! La fille que vous avez à la maison doit être considérée comme votre fille. Vous comprenez ? Si vous me promettez de la scolariser à l'école primaire je vous écrirai le Hijab et le Boujiaf ne viendra plus vous embêter."

"Je vous le promets Monsieur !"

"Attendez ! Ce n'est pas fini ! Si vous ne respectez pas le ramadan non plus, Boujiaf reviendra. Ne me payez pas et tenez votre promesse. Dorénavant Zoulikha est votre fille et son inscription à l'école primaire est une condition ! Partez chez vous Madame et bonne journée. Je vais parler avec Aïcha maintenant ! Je vais lire quelques versets du Saint livre si vous ne dormez pas bien cette nuit revenez me voir demain"

"Écoutez-moi bien Madame! Vous vous appelez Aïcha et je le sais. Vous avez beaucoup d'influence sur Zoulikha, elle vous aime et vous respecte. Je voudrais que vous cessiez de vous comporter comme vous le faites. Je ne veux pas entrer dans les détails ".

"Je n'ai pas compris, Sid Lafkih !"

"Vous avez bien compris, je ne voudrais pas entrer dans les détails, je vous dis... mais faites beaucoup attention sinon vous allez le regretter !"

"Au revoir Sid Lafkih"

Zoulikha est acceptée à l'école primaire. Elle se rappelle de Ammi Laïd. Il était le premier à lui adresser la parole.

"Viens ! Suis-moi mais ne marche pas vite !"

Pourtant elle voulait vite entrer dans la salle de classe, voir les écoliers bien habillés, avec leur tablier bleu et leur coiffure. Le premier maître fut monsieur Bouhout. Il lui demanda de s'asseoir provisoirement à la troisième table parce qu'une fille est malade.

Son voisin de table s'appelle Hmida. Il n'osa pas la regarder. Il avait un plumier en bois avec double cloisons. Elle regarda jalousement tout ce qu'il avait.

Dans son cartable, Zoulikah n'avait qu'un crayon, une gomme, une plume à encre et un porte-plume.

De toute manière elle n'allait utiliser ce matériel que bien plus tard. Il fallait commencer par des signes conventionnels qui ne veulent rien dire. Elle apprit par les élèves que cela s'appelle ATTAHNACH. Le serpentage.

Elle devait faire comme les élèves lever la main et dessiner dans le vide une lettre qui n'existe pas. Elle apprenait la dextérité.

Les élèves sont presque tous passés par l'école coranique et à la récréation ils s'amusaient à dire :" Allif mayankoutchi. Al Ba Wahda mal Taht Atta jouj Mal fouk..."

Elle pensait que ce ne fut qu'un jeu, mais le jour où les lettres commençaient à prendre forme elle comprit que le Alif ne prenait pas de point et que le Ba n'avait qu'un point en bas alors que le Ta en avait deux en haut.

Zoulikha se rappelle encore de sa première journée à l'école et de la salle de classe juste à côté du bain maure. D'ailleurs, sa maman l'avait emmené au bain maure pour la laver comme un nouveau-né. Elle l'avait coiffé comme elle ne l'a jamais fait. Zoulikha va faire connaissance avec son voisin de table Hmida...
Hmida fut impressionné par la coiffure de Zoulikha, il se demandait comment arriverait-elle à supporter cette tresse sur la tête, ce KARDOUN. Et quelle chevelure pouvait se cacher sous ce ruban en forme de tuyau qui parcourt ce cou long si mince et ce petit dos.

Petit qu'il fut, il jura au fond de lui-même d’élucider d'une manière ou d'une autre cette énigme, mais cela restait à prouver.

Zoulikha ne semblait guère préter attention aux regards inquisiteurs de Hamid tant elle fut subjuguée par les lettres écrites de manière droite et agréable par Monsieur Bouhout.


Elle s'apprêtait aussi à dessiner à l'aide de sa plume les mêmes circonvolutions comme si c’était de la pure magie qui coulait de ses doigts de fée.

Soudain, le bruit des enfants de la classe d'à côté la fit sursauter. C’était l’heure de quitter l’école.

Dehors, elle aperçut déjà Lkhamar et Largot venir chercher leurs copains pour aller faire une partie de glissade sur Ladick. Il parait qu’ils utilisent leur cartable pour mieux améliorer cette glissade. Ce sport de glisse, elle ne l'a jamais pratiqué ni vu de ses propres yeux, mais c’est ce qu’on raconte du côté de la Kissaria.


Elle se rappela qu’elle devait passer récupérer une montre chez le souaaji du coin, Moulay M’Barek l'horloger. Cela faisait déjà 2 mois et trois jours que cette montre y avait été déposée.

Elle ramassa ses affaires et sortit en courant. En arrivant devant la boutique de Moulay M’barek, elle fut clouée au sol et ne parvenait pas à faire un pas de plus tant la chanson qu’elle entendit venir de cette boutique la subjuguait.

Quelques notes de mandole et une voix berçante chantait :

BNAT ALYOUM
YA KHSAR ALIHOUM
DAROU LA MODA OU KATOU CHOURHOUM
BNAT AL UOUM AL YOUM…

Moulay Mbarek s’interrompt brutalement intriguée par les pas qu’il venait d’intercepter au dehors. Moulay Mbarek avait une ouie très très fine, c’est normal, il avait l’oreille musicale.

Rapidement, il déposa son mandole et pris une montre entre les mains en plaçant une loupe sur son œil droit. "Qui c’est ?", cria t il.

Zoulikha répondit timidement :"0ui, euh c’est moi ! Euh c’est pour la montre de…."

En l’apercevant, Moulay M’BAREK cria : " Lkitini...Justement tu m’as trouvé en train de travailler dessus…"

Moulay M’Barek que dieu ait son âme employait cette phrase devenue un rituel pour tous les clients.

Certes, il était excellent horloger, mais pour récupérer sa montre, il fallait avoir le TEMPS.

Elle rentra chez elle sans la montre mais avec son ardoise pleine d'écriture. Elle était fière d'exhiber ses premières lettres. Sa belle-mère avait commencé à observer le jeûne et dormait bien. Elle promit de faire une Sadaka. Aïchalmarrokia était venu l'aider. Zoulikha était dans la grande chambre et les deux femmes dans la petite cuisine exiguë. Elle parlait doucement de leur mari. De temps en temps, elles baissaient la voix, mais Zoulikha entendait tout. Le vrai papa de Zoulikha est un martyr. Elle avait abandonné ses devoirs pour venir écouter. Les deux femmes changèrent de discussion. Zoulikha s'approcha et demanda à sa belle-mère si elle pouvait les aider. La belle-mère leva la tête et son foulard tomba. Elle portait toujours un foulard lorsqu'elle cuisinait. Zoulikha le prit rapidement et le déposa sur la tête de la belle-mère. Les deux femmes avaient tout de suite compris que Zoulikha avait entendu leur conversation.

"Écoute Zoulikha ! Va voir le Fkih et demande-lui que nous sommes en train de préparer un grand couscous pour tous les élèves de l'école coranique. Qu'il te dise le nombre d'élèves et surtout quelle viande il préfère. Tu passeras chez le boucher, lui saura de combien de kilos nous aurons besoin".

Zoulikha voulait rester à la maison pour savoir qui est réellement son père. Elle savait que sa belle-mère n'est pas sa mère et elle venait d'entendre que son père n'était pas son père. Elle avait des doutes parce que son père parlait souvent d'Oran alors qu'elle venait de l'Algérois.

Elle alla à l'école coranique le coeur serré et décida de demander à son père lorsqu'il rentrerait du travail.

Ce jour-là, le Fkih était tout autre. Agacé par le bruit des élèves, il tenait à la main droite un grand bout de roseau. Il tapait de petit coups sur les têtes et les enfant s'égosillaient. Elle avait attendu un moment et puis un Sadakallahou al Aadim est venu libérer les enfants de leur frénésie.

"C'est la récitation collective et cela ne se passe pas comme je le veux. J'ai entendu dire que tu fréquentais l'école chez Monsieur Bouhout. Cela te plaît ?"

Zoulikha secoue la tête en guise de OUI. Elle demanda le nombre d'élèves et quelle viande le Fkih aimerait.

"Al Ganmi, bien sûr !"

Zoulikha fut choquée par le bouhaha de l'école coranique mais elle se dit :" de toute manière c'est pour les hommes, eux ils feront bien des Salkates. Je ne serai jamais Fkiha !"

Elle se dépêcha d'acheter à la Joutya ce que sa mère lui avait demandé de faire. Le boucher avait un carnet où il écrivait toutes les consommations de viande et c'était pareil c'est le marchand de légumes et l'épicier.

Aïchalmarrokia était encore à la maison. Elle avait apporté de chez elle une grande Gassa. Les deux femmes avaient écarté leurs pieds, avaient mis les Gassats entre les jambes et avaient commencé à rouler la semoule pour le couscous de la Sadaka.

Zoulikha voulait savoir la fin de l'histoire. Quand son père arriva, il paraissait fatigué. C'était un grand et bel homme avec l'accent oranais très évident. Zoulikha s'approcha de lui, et elle prit sa main pour la première fois lui fit le baise-main.

Il retira furtivement sa main et lui demanda :

"C'est Monsieur Bouhout qui t'a appris cela ? C'est nouveau Hein !"

"Non, je voulais simplement te dire que tu es mon PAPA !"

"Je ne comprends pas ? Qu'est-ce-qu'on vous apprend à l'école ? La recherche des arbres généalogiques ?"

Zoulikha comprend maintenant que son père, à l'époque voulait se défendre et cherchait la faute ailleurs. Chez les autres, le monde extérieur, la société. Il avait énromément peur du scandale.

Il alla vite prendre une douche dans la petite salle de bain, qui sert de toilette à la manière turque et de douche.

Zoulikha, alla vite prendre son cartable et l'ouvrit. Depuis qu'elle avait commencé à fréquenter l'école on l'avait laissé un peu tranquille.

Zoulikha se met un jour en tête d’aller jusqu’à LAGECO, et pourquoi Lageco, et pourquoi pas Lageco ? N'oublions pas que cet endroit veut dire beaucoup pour les Boubekris.

C'est un autre village qui est venu défier aussi bien la Kissaria que BBO. C'est un lieu, qui, identique à un plaidoyer crie que tant qu'il y aura sur la terre l'ignorance et la misère, l'intolérance restera mère.

Les Espagnols, Italiens, Français et autres qui avaient élu domicile cette partie de notre village s'étaient rapidement organisés en associations vivant en parfaite harmonie avec les Algériens et Marocains.

Les meilleures brochettes se dégustaient dans ce terrain de pétanque où quelques douaniers venaient se mêler à la partie. Les meilleurs matchs de foot se déroulaient dans son terrain exigu.

Alors peut-être pour vaincre l'atrophie des enfants, la marche vers les mûres s'organisa.

C’était au cours d’une discussion avec Zohra, Milouda et Fatiha que cette idée était née.
Cela se passait au Four FERRANE d'en bas.

Ces copines, lui avaient dit, que les meilleures mûres (Attoute) se dégustaient sur les arbres plantés le long de la route menant à Lageco. Chemin que prenaient quotidiennement les écoliers boubekris parce que certains comme pour nouer les deux cités avaient choisis de se déplacer à pied pour hanter les écoles de Lageco.

On dirait une épopée d'un peuple. Une épopée qui porte une inscription sur les murs, sur les jardins, sur les routes, sur les chemins et même sur les sentiers battus par ces hordes d'enfants : une inscription qui veut dire "Vive la tolérance".

Il est vrai que ces mûres (TOUTES) avaient un goût incroyable que seul le sol béni de Sidi Boub pouvait procurer.

C’est au Four (Ferrane) que cette idée a germé. Là où les sujets, tous les sujets pouvaient être débattus entre les filles du village. Endroit propice, aux secrets et aux projets.

Un endroit rêvé pour ces filles qui pouvaient passer un temps précieux offert par le délai important nécessaire à la cuisson du pain.

Je ne parle même pas de ces délais encore plus importants les jours de fêtes , moment chéri où les gâteaux de tout genre arrivaient sur des plateaux en zinc (SNI) , du KAAK (Cake) sentant bon le jeljlan, l’eau de rose , habet hlawa , basbass et nafaa.

LAGHRIBIYA (l'étrangère). Hum !!! , j’ai l’eau à la bouche.

Oui , C’est durant ce temps de cuisson, là, face à la kissaria que les filles bavardaient , c’est là aussi que les garçons prétextant mille excuses venaient zyeuter au Four FERRANE. Auparavant, ils ne voulaient jamais porter le pain au four mais quand il y avait les filles, ils multiplient les aller et venir pour passer devant les filles.

Quel endroit exceptionnel, que de senteurs agréables et énivrantes ! Quelle chaleur au sens propre comme au figuré : une chaleur humaine comme il en existe rarement ailleurs.

Un endroit où les garçons avaient compris que c'était le lieu de prédilection de la drague naïve et innocente parce qu'elle fut toujours gentille et platonique .

Des regards furtifs échangés et voilà le pauvre garçon envoûté , en extase allant frimer devant ses copains décrivant ce regard comme une preuve d’amour.

Les filles toujours aussi fines, profitaient de ce privilège de séduction pour ne distribuer ces regards complices qu’au compte goutte.

OH! Four FARRANE, Oh! Désespoir.
Oh! Rage, Oh amertume.
Oh ferrane,
Oh joie, Oh Bonheur.

Tiens je me demande d’ailleurs si SSi Sadequi, n’a pas choisi, le terme Ferrane pour designer notre Forum uniquement dans le but de réactualiser cette complicité entre Boubekris et le plaisir de retrouver des regards mais des écrits , ceux qui racontent tout le bonheur vécu dans ce village mythique.

Tout ceci, nous éloigne du projet de Zoulikha et de ses TOUTATES .

Quel prétexte allait Zoulikha trouver pour faire sa virée à LAGECO et goutter au fruit défendu ?

Pour cela, elle devrait attendre une opportunité !

Cette opportunité c’est Ssi Bouhoute, son maître qui allait lui offrir.

En effet, elle venait de réaliser un trimestre exemplaire, l’acquisition de l’écriture est parfaite.

Ssi Bouhout devait récompenser cet effort louable.

Il décida, qu’elle allait accompagner la classe des grands, celle de M.LASSOUQUE.

Cette classe ou tout du moins, les élèves les plus méritants de cette classe avaient obtenu le privilège d’aller à la cueillette des mûres (Toutes). Elle ferait partie de la cohorte.

Vous rendez-vous compte, elle allait arriver jusqu’à LAGECO, elle pourrait presque toucher le sol de ces ancêtres là-bas du côté de l’Algérie. -Elle allait enfin goûter ces mûres dont tout le monde semble être en extase.

Elle n’allait plus dormir de la nuit attendant le jour J avec une impatience extraordinaire.

Le rendez vous était fixée pour samedi, à côté de la salle de classe de M. LASSOUQUE.

Elle allait prendre le bus gris, les jetons sont déjà en poche.

Promis, elle mettra sa belle jupe plissée en Tergal, celle qu’elle a soigneusement rapportée d’Oran et dont les filles de Boubeker sont en admiration.

Jupe tellement populaire qu’elle a initiée une chanson que les filles entonnaient en jouant au petit ballon contre le mur et qui disait :

Le lit, la rose et le lilas,
Mesteguella ??? Petit poussin
Grand poussin
Et la maison, j’habite loin
Jusqu’à demain,
JIPPA PLISSE,JIPPA TERGAL..

Seules les filles de l’époque peuvent nous rappeler les paroles d’une telle chanson et la signification de quelques mots ????

C’est dans ce bus gris qu’allait s’écrire une des plus belles histoires d’amour dont elle va garder le secret jalousement durant des décennies.

Ce Bus , était un signe du destin , son destin, un destin hors du commun. Certes, ce Bus était gris, mais il prenait une autre couleur dans son intérieur, il était vert comme la couleur de l’espoir et de la foi.

Chemin faisant, une lumière envoûtante avait envahie ce Bus, une lumière d’une clarté éblouissante.

Le miracle se produisit, la vue d’un tel phénomène la subjugua. Elle en tomba dans l’extase et la béatitude.
C’était lui son sauveur, c’était lui sa raison de vivre, il sera désormais à ses côtés, omniprésent, il viendra à son secours en cas d’appel. Elle en est persuadée à l’extrême. Elle l’a dans son cœur et ce serait pour l’éternité espérait-elle.

Une telle adoration, soudaine, violente mais en même temps douce et rassurante. Elle ne l’avait jamais vécu auparavant et elle ne s’était jamais représentée des idées de telle ampleur.

Sont-elles des réalités psychologiques individuelles ? Pourquoi grouillent-elles dans sa tête ? est - ce une sorte de destin régit par une force divine ou par la société ? Et puis elle s’est rappelé ce que disait souvent son père : « Tous les hommes sont la même argile. Nulle différence. Même ombre avant, même chair pendant, même ossement après ». Mais elle songea que quelquefois la noirceur humaine gagne le dedans de l’homme et y devient le Mal.

Son esprit s’était livré à des digressions permises mais non voulues. Elle voulait s’informer et informer mais tout s’alternait dans sa petite tête et le narratif devenait méditation.

Et cette lumière revenait à chaque pensée. Elle se demanda comment elle pouvait s’en approcher ? Quelle sacrifice elle va consentir pour gagner sa protection ?

Autant de questions pour lesquelles elle n’aura pas de réponse concrètes, ni de preuves matérielles.

Qu’importe cela sera son secret…

Notre Zoulikha dit qu'elle était identique à de nombreuses filles de notre cité Boubeker. Elle étaient pudiques et n'osaient jamais montré leur amour.

Pourtant elles désiraient être aimées, elles aimaient recevoir un petit compliment, un petit cadeau et pourquoi pas une lettre qui témoigne de ce que ressent le coeur et ce qu'il tait.

Mais les garçons aussi respectaient la discrétion de ces créatures de charme.

Il faut, cependant avouer que certains gens avaient peur "des qu'on dira-t-on" ?

Et c'est peut-être pour cela que les aventures entre jeunes adolescents se limitaient aux regards pleins de fougue et de désir.

Il y avait quand même certains jeunes qui ne pouvaient contrôler leurs ardeurs et dès qu'ils apprirent à tracer quelques lettres d'alphabet ils recopiaient intégralement des missives qu'un petit livre faisaient paraître.

Ce manuel n'était pas un manuel scolaire mais commercial. Quelques-uns l'avaient acheté et recopiaient son contenu. Il y avait des situations où cela ne collait pas du tout avec la personne en question. Par exemple des phrases pompeuses qui ne voulaient rien dire et mal avenantes. L'expression en arabe " Akdou Al Kiran " fut traduite "nouer les cornes". Les jeunes amoureux pensaient aux cornes des bêtes et selon leur compréhension cela voulait dire "nouer les liens comme sont noués les cornes des bêtes de peur qu'ils s'échappent.

En arabe classique cela voulait dire convoler en justes noces.

Des situations de ce genre où le gamin de douze treize ans voulait sceller son destin à une autre gamine rendait la lettre sans substance. Zoulikha en rit encore, elle le dit franchement, elle ne comprenait pas le contenu des lettres. Elle en recevait et se rappelle que la première lettre fut celle de Hmida.

Elle ne montrait jamais les lettres personne. Elle en avait reçu de certains téméraires qui on ne sait comment ils arrivaient à glissser leurs lettres dans son cartable.

Elle était gamine mais les films de Kaïs et Leïla ou de Antar Ibnou Zabiba qui passaient au cinéma
la tourmentaient. Elle s'identifiait à chaque situation et mettait à chaque doir un de ses soupirants dans ujn rôle précis.

Mais un jour, son papa décourvrit le pot aux roses et surprit Zoulikha en train de lire une lettre. Elle devint rouge quand son papa se positionna derrière elle.

Il prit tout doucement la lettre des mains de Zoulikha et qu'est-ce-qu'il lit ?

Le père de Zoulikha était très sage Allah Yrahmou. Il a pris la lettre mais ne l'avait pas lu. Il l'a pliée en deux et l'a remise à Zoulikha qui gardait les yeux par terrre.

Elle se rappelle qu'il lisait beaucoup. Il avait lu de nombreux romans et à chaque opportunité il évoquait un exemple des sagesses lues dans ses livres. Zoulikha se rappelle ce jour-là qu'il avait dit :

"Où est la morale ? Où plutôt où est la logique ? La pendée est absente et l'action est évidente".

Zoulikha ne comprenait pas mais elle attendait qu'il développe, qu'il arguemente. Il fit un OUF ! Il poursuit son discours comme s'il s'adressait à une grande personne.

"Tu connais Jean PIAGET ?"

Zoulikha ne répondit pas.

Son papa dit :" Tu sais ce qu'il a dit Jean PIAGET ? "

Il avait dit que "la morale est une logique de l'action comme la logique est une morale de la pensée".

Il la regarda droit dans les yeux. Il savait qu'elle était capable de mémoriser ses paroles et finit par lui dire :

" Tous ceux qui s'amusent à jouer avec le feu n'ont pas compris la leçon".

Il réfléchit un moment et dit :" Ce qu'ils ne comprennent pas, ce sont les "leçons" fournies et non la matière".

Zoulikha a une bonne mémoire. Elle avait retenu de nombreuses paroles de son papa et ce n'est que maintenant qu'elle a pris conscience de ce que son père disait en citant Jean PIAGET.

Elle n'avait jamais eu l'intention de dire ce qu'elle ressentait. Elle préférait cacher, taire comme seules les femmes savent le faire. Mais elle étouffait, elle pensait à Boujiaf qui harcelait sa mère à Sidi-Boub. Il n'est jamais venu la déranger durant son sommeil mais elle le ressentait pendant quelques jours où le cafard la plongeait dans une tristesse indescriptible. Elle ne pouvait jamais se détacher des images de son village. elle ne pouvait jamais dormir sans penser à ces gens au bon coeur. Elle revoyait, la Kissaria, la Joutiya, le four d'en bas et les jeunes qui lorgnaient, le Hammam et surout ce qui lui plaisait les gens qui allaient au souk chaque dimanche.

Zouilkha se rappelle comme si cela datait d'hier du cirque Ammar, de la Kassala au Hammam, de Anissa Naïma, cette créature hermaphrodite, mi-homme mi-femme. la tolérance des Boubkris n'avait pas d'égale. Cet homme n'a jamais été perturbé dans sa tâche quotidienne, ni lui ni l'espagnol qui criait HARSOULI AL BARRAKA, pour signifier on m'a dévalisé.

Ce qui lui plaisait c'était le refrain :" ALLI MARBAH DABA YARBAH". Ce mot DABA l'intriguait. Les orientaux ne disaient pas Daba et ne parlaient pas comme les gens du cirque.

Zoulikha se rappelle qu'un dimanche son père l'avait emmené au souk à proximité de Oued Settouf. La cohue, le bruit, la poussière, les odeurs, les animaux, les couleurs tout se mélangeait dans sa petite tête. Elle n'avait pas l'habitude. Il faisait chaud et sa tête ressemblait à ces petits appareils qui enregistrent toute source de bruit.

Barida, Barida ! Elle se retourna pour voir un vendeur de crème à la vanille. Un son de cloche, "le vendeur d'eau souple et agile apportant de l'eau à la ville". Elle fit un sourire parce que le porteur d'eau est vraiment souple et agile comme la récitation le décrivait.

Une odeur de fumée et de graisse la répugna et tout à coup le bêlement de moutons et une odeur de laine forte.

Son père lui serrait la main, son coeur battait la chamade. Ce fut un émerveillement. Elle demanda discrètement :" pourquoi cet attroupement ?"

"Ce sont des gens qui perdent leur argent dans un futile jeu de nigauds qui s'appelle Assafra. Tu veux voir ?"

Ils s'approchèrent. " Assafra Moulat Al Mal...Ila Maandak Aïn Dir Zouj ! Yallah Mizi Mizi..."

Un jongleur faisait montrer prestemment trois cartes dont une jaune. Avec une dextérité incroyable il prenait ses cartes, les montrait, les cachait pour les dévoiler et tentait ainsi d'attirer un nigaud.

Un son de Ghaita au loin. Zoulikha demanda :" c'est un mariage ?"

"Non, Zoulikha ! Nous sommes au souk, il n'y a pas de mariage au souk. Ces gens-là Issoutou Farrih Wi Chaddou Ashih".

Zoulikha ne comprenait pas et détourna son regard vers les marchands de légumes et fruits. Elle entendit une voix forte héler les gens :" Addarjou lahna...Dalli Berkane Alli Kifou Makan...Dok Lahlawa ! Chouf ! Battaabaa...Dalli Bakane...Moujoud Fikoul M'kane..."

Elle aida son père à choisir les tomates, les piments, les oignons.

Le marchand demanda :" C'est votre fille ? Allah Yssakher !"

Le papa de Zoulikha lui jeta un regard foudroyant et lui dit :" Tu es au souk, non, ? Et pour vendre, non ? Alors entre dans le souk de ta tête !"

Zoulikha devint rouge mais elle comprit que son papa refusait de répondre à cette question. Cependant, Zoulikha savait que son père n'était pas son père. Aichalmarrokia lui avait tout dit.

Elle lui avait raconté l'histoire suivante :

"Tu sais ma fille! je ne sais pas combien de temps je vais vivre encore. Je ne voudrais pas emporter ton secret avec moi dans la tombe. Tu m'en voudras et je voudrais avoir la paix dans l'au-dela. Tu as sûrement entendu dire que ton père n'est pas ton père et ta mère n'est pa ta mère".

Zoulikha comprend et ne comprend pas. Elle comprend que son père n'est pas son père. Cela, elle l'avait entendu mais elle sait pertinemmenet que sa belle-mère n'est pas sa mère alors elle demande à Aichalmarrokia d'être plus explicite.

"Oui, je comprends tes yeux ! Ils bougent dans leur orbite à une vitesse incroyable. Tu ne comprends pas tout ce que je veux dire. Ton père est un martyr. Il est tombé sous les feux des soldats. Il tentait de fuir. Les soldats français avaient remarqué qu'il transportait quelque chose et ils l'ont criblé de balles. Tu étais toute petite et tu ne savais rien. Toutes les personnes qui avaient assisté au meurtre de ton père n'ont pu approcher son coprs sauf son ami fidèle. C'est celui qui t'a redonné vie et t'élève maintenant. Tu comprends pourquoi il refuse d'aborder ou d'évoquer les sinistres années algériennes. Il a vu ton père tomber et quand il a voulu ramasser son coprs personne n'est venu l'aider. Il a juré de prendre soin de toi en tenant ton père dans ses mains. Quand il est rentré chez vous avec le corps sur le dos. Ta maman a eu un choc terrible. Elle s'est évanouie. Elle a eu la fièvre pendant quelques jours et s'est éteinte à son tour".

Zoulka devait accompagner son père à OUJDA.

Bonne nouvelle, partir à OUJDA, quelle merveille !

Un voyage qui lui permettrait enfin de visiter cette ville dans laquelle, les lycéens se rendaient tous les jours.

Elle irait voir par elle même tout ce qu’on racontait et verifierait les dires des uns et des autres.

Elle prendrait avec son père le car de Ouled MOUMEN., arrivée à Oujda, elle descendrait à BLACETTE ALKIRANE (Place des autocars) ou encore Place du Maroc.

Elle remonterait la « Roue d’ Marrakech » en se frayant un chemin parmi les denrées alimentaires en gros entassées dans les magasins et en enjambant, les bagages des voyageurs de la CTM.

Elle ferait un petit détour par le cinéma le VOX pour vérifier comme le disaient les lycéens que les échanges de les « Artistes » les illustrés ou encore les BD se faisaient bien en face de ce Cinéma juste à côté de l'école hébraïque.

Ensuite poussant encore un peu plus loin, elle irait se baigner, ne lui avait - on pas dit qu’entre la Poste et le palais de justice il y avait la mer enfin « LABHAR ».

Elle remonterait le long du boulevard Mohamed V en jetant un coup d’œil au dessus de la baladiya à cette horloge qui indique des heures différentes de chaque côté.

Elle passerait devant le colombo pour apprécier les belles pâtisseries et arriverait devant le vendeur des délicieux beignets chauds sucrés situé juste en face de la BANQVE DV MAROC.

Elle ferait attention que son chemin ne rencontrerait pas AAMAR ADANGEUREUX ni RKIYA MIMISS.

Elle éviterait les jets de pierre de BOURAADA avec ou ses « Grounes » et surtout ceux de AACHRA OU KOURD »

En revanche ce fut avec le plus grand des plaisirs, qu’elle irait à « BLASSET ATOBISSATES » Place des BUS en empruntant, la rue des SIYYAGHAS (la Rue des bijoutiers)

Dans cette rue, elle jetterait un coup d’œil sur les KRAFFACH BOULEHYA (les mastodontes chaînes en or et des louizes ((les louis d’or)

Elle passerait devant les beaux magasins qui vendaient les magnifiques jellabas près de SEKKAYAT Abdellah Ben OMAR (la fontaine Omar).

Elle profiterait des odeurs qui embaumaient au niveau des guezzaras (quartier des bouchers) sans oublier de jeter un coup d’œil furtif aux écrivains publics avec leur drôle de machine.

Elle écouterait les cris de tous ces vendeurs ambulants avant de prendre la ruelle à l’extrême droite pour voir empilé les fruits secs, le ghassoul et les éponges magiques.

Elle regarderait avec curiosité le plus petit café d’Oujda haut lieu des musiciens du RAI avec leurs 33 tours ( REZZA) sur la tête, leurs GASBA (flutte en roseau) et leur gallal (percussion).

Des musiciens qui attendaient le client providenciel et qui espéraient que cette année encore , beaucoup de Facances viendraient se marier pour animer des soirées sans fin et crier à qui voulait les entendre leur fameux : BARRAKAT , MAN ANDA EL MILOUD OELD RABBEH , IGHOULEK FIHA, ATTIH ou TAHTIH …

Enfin par cette légendaire petite porte...

Là depuis la place des hommes debout un panorama magnifique s’offre à elle contemple cette fameuse place ou les bus rouges et jaunes défilent sans fin.

À l'approche de l'Aïd-Al Fitr comme appris à l'école et Laïd Assghir comme disent tous les Boubekris une fièvre se saisit du coprs de la mère de Zoulikha.

Zoulikha n'a constaté que plus tard que ce n'était que de la jalousie. Toutes les femmes, presque toutes préparaient des Kaak, des gâteaux en forme de coeur, de cercle, d'étoiles ou encore des Ghribia mais Zoulikha et sa mère souffraient de ce manque. Zoulikha suggéra à sa mère d'aller demander à Aïchalmarrokia.

Aïchalmarrokia n'était pas non plus excellente en pâtisserie Boubekrienne mais elle eut l'idée de demander à la famille Chacha.

Le père de Chacha préparait de la bonne Zlabia qu'il vendait durant le mois sacré de Ramadan à la Kissaria. Il fut connu parce qu'il avait une grande table avec beaucoup de variétés de gâteaux et focément sa femme et Chacha l'aidaient sinon comment ferait-il pour préparer tout cela tout seul et travailler à Zellidja. Le père de Chacha était un vrai artiste. Il dirigeait la clique de Sidi-Boub. Il leur apprenait comment manier les baguettes des tambours et comment jouer avec les instruments à vent. Le père de Chacha s'activait dans tous les côtés pour donner une bonne image représentative de la communauté algérienne présente à Sidi-Boub.

Chacha était venue avec Zoulikha. Chacha était une fille agréable, charmante. Elle le savait puisqu'elle recevait des lettres discrètes comme Zoulikha.

Mais, ce jour ni Chacha ni Zouilkha ne parlèrent de leur petites aventures innocentes. Dans leur cahier de charge, il était écrit : la recette de la pâtisserie Boubekrienne plus les ingrédients en vue d'une bonne préparation des pâtisseries Boubekriennes.

Alors, Chacha comme un herboriste fait une commande de mots que Aïchalmarrokia ignorait. Les trois femmes regardaient Chacha avec de gros yeux en se demandant mais d'où savait-elle tout cela.

Elle parlait comme si elle avait appris par coeur une leçon de récitation :

"...Al Beid, Ma Zhar, Habbbat Hlaoua, Lbasbas, Jaljlan, Al Karfa, Sanida, Lavani, Lfarina force, etc...etc..."

Les femmes ne comprenaient pas certains mots et ignoraient les quantités à utiliser. Chacha voulait avoir tout autour d'elle et après elle utiliserait la mesure préférée des femmes Boubekries, le chouième.

Chouia dial lfarina, Nzhidou maah chouia dial lavani, bakia oualla zouj bakiettes, Ainak Mizanek...

Elle demanda aux trois femmes de rétrécir leurs manches pour pétrir la pâte.

Chacune d'elle avait une grande "Gassa" en terre cuite, et en moins d'une heure Al Kaak fut enveloppé d'un drap blanc pour fermenter.

Zoulikha et Chacha avaient eu le soin de commander des "Snés", plateaux noircis par les fournées. Chacha prit un peu d'huile et enduit les "Snes". Ensuite, elle prit le jaune d'oeuf et passa délicatement une mince couche sur chaque gâteau déposé dans le plateau.

La petite maison sentait de mille senteurs. Aïchalmarrokia ouvrait des yeux comme ça, elle n'en revenait pas.

Les deux filles avaient pris les premiers plateaux et devaient attendre la cuisson. Arrivées au Ferrane Mahjouba les interpella.

"Hum ! Qui a fait de si beaux gâteaux ?"

Elles ne répondirent pas à sa question et puis elle enchaîna :

"Je ne vous dirai pas non plus ce qui s'était passé cette semaine avec CHEDDAD Lahcen"

Chacha sauta d'un coup et dit :"laisse-le tranquille ! Et d'abord d'où tu le connais ? Ce n'est pas un type pour toi ! Et si jamais tu ouvrais ta gueule et il aurait un problème avec son père Abdallah, je te corrigerai, parole de Chacha"

Zoulikha prit la main de Chahcha et elles partirent rapidement chercher les plateaux. Chacha était fâchée contre Mahjouba. Elle parlait trop et d'abord comme avait-elle deviné que Chacha connaissait Lahcen.

Zoulikha demanda alors :" Qui est ce CHEDDAD Lahcen ?"

Chacha :"c'est le plus beau jeune homme de la Kissaria. Je suis curieuse de savoir ce qu'il a fait mais je n'ose pas trop parler à Mahjouba. J'espère qu'elle reviendra tout à l'heure après le Moghreb. Je tenterai de lui tirer les vers du nez !"

Zoulikha :"Elle reviendra parce qu'elle m'avait dit qu'elle devait apporter les gâteaux de sa voisine".

Chacha :"J'espère que Lahcen n'a rien fait de grave. La dernière fois, il a voulu me rendre jalouse et a fait un petit sourire à Fatna en détournant son visage de moi".

Zoulikha:"sois calme si tu veux tout savoir sur ton Lahcen !"

Chacha :" Hummm !!! Les hommes ! Ils sont tous pareils !!!"
Chacha avait avalé un bol de soupe sans mâcher les fèves et les pois-chiches correctement. Elle était nerveuse, d'une part, elle était curieuse de savoir MSER YADDIHA, le grain de sel qu'elle a apporté ensuite, elle voulait rencontrer Mahjoubalhaddara. C'est comme cela que Mahjouba était connue entre les filles.

Les garçons ne le savaient pas. Mahjouba était un peu grosse, elle habitait la deuxième rue en bas du Farrane. Tous les soirs même s'il n'y avait pas de gâteaux elle venait quand même radoter avec les filles de toute la cité de Sidi-Boub.

Mahjouba n'était pas bonne élève à l'école. Zoulikha ne la connaissait que de vue. Mahjouba disait toujours qu'un jour elle irait à Oujda fréquenter le lycée de jeunes filles. Elle voulait absolument monter dans le car vert et aller étudier jusqu'au Bac.

Mais le pouvait-elle vraiment ?

Chacha est arrivée subitement. Zoulikha la suivait de loin. Il y avait un attroupement de jeunes enfants qui attendaient la cuisson du pain et des gâteaux. Les deux odeurs se confondaient. La levure du pain était plus forte mais la douceur des ingrédients du gâteau et du Kaak était sensible. Les narines s'ouvraient pour humer ce beau parfum.

Un jeune élève parlait de l'histoire que leur professeur de français leur avait recommandé de lire. Il s'agissait du "Le Petit Prince" d'Antoine de Saint-Exupéry.

Un des présents lui avait dit qu'ils avaient déjà lu cette histoire une année auparavant et qu'il aurait aimé la lire en illustrés (Bandes Dessinées).

Un troisième dit que ce qui l'a surtout frappé c'est que les gens jugeaint les autres sur leur manière de s'habiller.

Tout le monde explosa de rire. Ils avaiet tous pensé qu'il était hors-sujet et qu'il ne voulait intervenir que pour faire l'intéressant.

Plus tard Zoulikha trouva bien que l'intervenant avait raison parce qu'il avait vu ce que les autres n'avaient peut-être pas remarqué.

Il s'agissait de cet astronome Turc qui avait aperçu l'astéroïde B 612 d'où venait le petit prince.

Effectivement, il était écrit dans l'histoire que l'astéroïde n'avait été aperçu qu'une seule fois au télescope, plus exactement en 1909 par un astronome turc. Il avait fait alors une grande démonstration de sa découverte à un Congrès International d'Astronomie. Mais personne ne l'avait cru à cause de son costume. L'astronome refit sa démonstration en 1920, dans un habit très élégant. Et cette fois-ci tout le monde fut de son avis.

Une autre intervanante qui était pour la seconde année au lycée de jeunes filles avait parlé de Claude Monnet. Personne ne savait de qui elle parlait. Et pour ne pas dire de bêtises, on lui demanda s'il s'agissait d'un écrivain ou d'un poète. Mais non dit-elle c'est le chef de file d'une école de peinture qui s'est développé en France durant la seconde moitié du XIX siècle.

La vision impressionniste est une vision qui indique que la peinture impressionniste n'est nullement intellectuelle. Elle désigne un système de peinture qui veut rendre purement et simplement l'impression ressentie par le peintre. Zoulikha saura tout cela par la suite quand elle aura l'opportunité de fréquenter le lycée de junes filles tant de fois décrit par les filles.

Il y avait tout cela à Sidi-Boub mais il y avait aussi les inimitiés. Alors Chacha provoqua Mahjoubalhaddara.

"Que veux-tu insinuer tout à l'heure en parlant de Chaddad Lahcen ?"

À l'approche de l'Aïd-Al Fitr comme appris à l'école et Laïd Assghir comme disent tous les Boubekris une fièvre se saisit du coprs de la mère de Zoulikha.

Zoulikha n'a constaté que plus tard que ce n'était que de la jalousie. Toutes les femmes, presque toutes préparaient des Kaak, des gâteaux en forme de coeur, de cercle, d'étoiles ou encore des Ghribia mais Zoulikha et sa mère souffraient de ce manque. Zoulikha suggéra à sa mère d'

Publié dans boubeker

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K
effectivement, rien à dire...<br />
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