LA PREMATUREE

Publié le par azl

 

 

 

En ce temps là, les conditions matérielles n'étaient pas des plus favorables.
La rudesse du climat dans ce village perché était à l'égale du caractère certes, entier des hommes mais aussi à la frivolité d'un certain nombre d'entre eux.

Oujda n'était pas bien loin et les week end, bon nombre de nos maris mettaient leur fidélité conjugale à rude épreuve dans cette ville....

C'est dans cette ambiance pesante que je devais comme toutes les femmes de mon village répondre aux sollicitations de 4 enfants, sages au demeurant mais bien exigeants.

Ainsi, faute de moyens contraceptifs modernes, je me suis retournée vers les herbes du cru, remèdes issues de la médecine traditionnelle ou encore vers les écrits du FQUIH "marabout", que Dieu me pardonne.

Par ce biais, je pensais mettre un terme aux nombreuses naissances qui s'enchaînaient.

Peine perdue; Un être malgré toutes ces précautions allait naître !!!

Un être qui allait bouleverser le cours de ma vie durant plus de 40 ans, jusqu'au jour où le miracle se produisit...

 

 

 

 

Un bébé, malgré moult précautions allait naître, un bébé qui allait changer le cours de ma vie durant plus de 40 ans.
Or, ce bébé, je n’allais le voir et le toucher que pendant 4 minutes.

Un bébé prématuré qui allait arriver après 5 mois seulement de gestation dans mon ventre.
Prématuré par la volonté de Dieu ?
Prématuré parce qu’il n’était pas désiré ?
Où, fait que je refuse d’admettre et que je ne souhaite pas ; prématuré par les effets de ces maudites herbes ?
Prématuré par la virtuosité du marabout fkih ?

C’est au 5 eme mois, c’est au 5 eme jour que les contractions devenaient de plus en plus fréquentes et de plus en plus dures à supporter.
Alors, « BAHA » fut appelée.

Baha, était une « KABLA », une sage femme qui venait spécialement d’Oujda pour m’assister comme elle l’avait fait au paravent pour mes quatre précédents accouchements.

Baha, que Dieu ait son âme, était une dame d’une grande sagesse comme son métier l’indique bien.
Elle m’a entouré de toute son affection et de sa douceur.
Ce cinquième mois et ce cinquième jour, allaient faire de ma vie, une véritable épreuve.

Cela va être le début d’une souffrance morale et physique sans discontinue.
Une douleur intérieure dont j’allais garder le secret dans le plus profond de moi-même jusqu’à ce jour de l’année 2006.
Ce jour de l’année 2006 où j’ai décidé alors de partager cette histoire avec vous et vous livrer les grandes lignes.
Oui, ce cinquième mois et ce cinquième jour de grossesse, allaient se ponctuer ce jour où les contractions étaient devenues des plus insupportables.

Ce jour, j’étais allongée dans cette maison à la Kissaria , maison qui comprenait deux pièces et une cuisine, une petite pièce que je partageais avec mon mari qu’on appelait « BAYT SGHIR » (la petite pièce) et la pièce principale appelée « SALLA » et enfin une cuisine et un Haouch (patio)
Je somnolais dans ma chambre, BAHA la sage femme était occupée dans la cuisine…
Je souffrais le martyr quand une voix sortie de nulle part s’adressa à moi,
« SBAH AL KHIR (Bonjour) »

Une voix douce, reposante qui me fait oublier ma douleur momentanément.
C’était une voix familière reconnaissable entre mille autre voix.
J’ouvris lentement les yeux afin de vérifier mes soupçons, c’était bien lui, Abderahman, un proche…
Mais que fait il dans ma chambre, comment ose t il s’aventurer dans mon espace intime ?
Qui l’a autorisé à rentrer ?
Avant de terminer toutes ces phrases, certes ; dites dans mon esprit, sa voix me rassura.

« Je viens de la part de Mina, je viens chercher la chose promise »
Il n’avait même pas fini sa phrase que mon regard fut attiré par un rayonnement surnaturel soudain qui émanait du côté droit d’Abderahman.
J’écarquillais les yeux et aperçu effectivement sur le côté droit d’abderahman, un être extraordinaire qui dégageait un aura mystérieux et un charme fou.

Un Homme, d’une beauté dont je ne reverrais jamais l’équivalent.

Tout de blanc vêtu, un Selham et une djellaba en soie d’une finesse rare.

J’ai eu l’impression que de cet homme se dégageait non seulement la beauté éphémère celle du physique mais celle de la beauté de l’âme éternelle celle là.
De cet homme, je ne saurais jamais rien, je n’entendrais jamais rien et je ne reverrais jamais plus le visage.
Il est resté silencieux durant la courte visite d’aberahman comme s’il voulait être le témoin de cette scène.

Epuisée par cette vision, mes sentiments étaient partagés entre l’extase qui m’avait envahi et la colère, celle à l’encontre de BAHA qui a permis à deux hommes de rentrer dans ma chambre.
Rassemblant toutes mes forces, je me suis à moitié relevé et tendit les bras dans un geste supposé donner quelque chose à Abderahman.
« Tiens, luis dis-je »
« Prends la chose promise et donnes la à Mina… »
J’avais à peine fini ma phrase qu’une voix me fit sursauter :

« Que t’arrive t- il » Cria Baha la sage femme.
« Comment oses tu me demander ce qui m’arrive, alors que tu as autorisé des hommes à rentrer dans ma chambre. »
« Mais ! Laisser rentrer qui ? » Rétorque baha interloquée !
« Abderahman et l’inconnu » Lui répondis je.
« Je te le jure sur ce qui m’est de plus cher au monde que personne n’est rentré chez nous ». Répond Baha.

 

 

 

 

Sa phrase à peine achevée, « Baha » court en direction de la rue donnant sur la Kissaria.
Ell e appelle le premier enfant de passage et le supplie d’aller chercher mon mari.

« Vas, Vas, vite luit dit elle, « Vas chercher monsieur, c’est très urgent.
Mon mari arriva haletant, essoufflé et inquiet.

Il était tranquillement assis, sur la terrasse du Café d’en bas, admirant les enfants qui jouent au ballon et surtout les partis endiablées de « DAMMA »
Il était en plein discussion avec Ssi Hassan qui avait quitté momentanément son magasin situé juste en face du vendeur des motos Zundap, Flandria et Honda.

Mon mari comprit vite que la situation était urgente voire grave car "Baha" ne l’avait jamais appelée de cette façon.
Elle lui a expliqué la scène à laquelle elle venait d’assister et elle exigeait qu’on m’amène de toute urgence à l’hôpital.
Un instinct de sage femme ! et dans ce domaine on ne discute jamais les décisions de "Baha".

Il faut l’amener illico à l’hôpital de BBO avait elle déclarée.

Mon mari avait exceptionnellement garé sa voiture, tout en haut du village, juste en face de l’entrée du bureau du Directeur d’école, là où on affichait les résultas du Certificat d’études primaires.
L’endroit fut jugé trop loin, mon mari revint vers la kissaria pour trouver un boubekri qui avait une voiture et qui en plus avait les clés sur lui.

C’est encore dans le café d’en bas qu’il trouva Houri un ami Algérien dont la voiture une "traction"était garée juste en face du café.
Ils m’embarquèrent en toute hâte en direction de BBO.
Arrivée à BBO, Ssi El Bachir et le Dr Serrage me consultèrent.

Sans dire un mot, Dr Serrage pris le téléphone et tenta de joindre le garage des voitures légères pour commander une ambulance.
Or dans ce temps là, il n’y avait pas de ligne direct, et Serrage dût passer par le standard.
Debdoubi, se chargea de transmettre l’appel vers le garage des voitures légères.
Il exigea une ambulance citroen 2CV Rallongée de toute urgence.
Cette 2 Cv blanche rallongée arriva sur les chapeaux de roue.

L’ambulance conduite par Abdelkader m’embarqua et Serrage donna l’ordre de m’amener en direction d’Oujda à l’hôpital Lousteau.

Cinquante huit minutes plus tard, nous arrivâmes à Oujda et dans les instants qui suivirent, je fus installé sur la table de travail car ma vie ne tenait plus qu’à un fil

Ne tenait qu’à un fil entendis-je.

On a craint le pire pour moi, en effet.
Toute une nuée de médecins et d’infirmières vinrent à mon chevet.
Les soupçons de baha n’étaient pas infondés…
Le bébé ne pouvait être gardé dans mon ventre, il allait être un prématuré…
Mon bébé est un prématuré, difficilement viable !!!????

Après des efforts surhumains, l’infirmière de l’hôpital LOusteau, une jeune française se résigna à accepter le destin.
Il fallait trancher, trancher dans le vif, aussi bien le sens propre que dans le sens figuré.
Trancher, car il fallait prendre la décision et trancher car il faut maintenant rompre ce cordon ombilical qui me relie à mon bébé.
Craignant pour ma santé, le bébé allait être extrait de ma chair….

Dans un sursaut de courage insoupçonné, je réussis à entrouvrir les yeux et vis le bébé.
C’était une fille magnifique avec une peau très clair et douce. Des cheveux d’une noirceur d’ébène, des cils à n’en plus finir et un petit nez retroussé adorable qui rajoutait une pointe de charme supplémentaire.
Je n’ai pu apercevoir la couleur de ses yeux, d’ailleurs je ne les verrais jamais, comme je ne sentirais jamais son souffle.
Ma fille ressemblait à un petit ange.
Je n’entendrais aucun cri, aucun sanglot ni aucun éternuement.

La jeune sage femme française se pencha sur moi; dans le creux de l’oreille d’une voix basse me dit dans un arabe approximatif :
« As-tu d’autres enfants » sans attendre une réponse, elle enchaîna :
« Veux tu me donner ce que tu viens d’enfanter »
Dans un état second, entre la vie et la mort, je répondis par un mouvement de la tête, je ne sais s’il voulait dire un oui ou un non.
Ce geste fut interprété comme une affirmation, une acceptation, un accord.
Pendant 40 ans une question va me hanter :
Qu’ai je répondu à cette femme ?

C e n’est que 1 mois plus tard que j’ai repris plein possession de mes moyens et que j’ai du réaliser l’événement.

Depuis les questions sur cet être n’ont cessées de me torturer.
Cette jolie fille est elle vraiment née morte ?
A-t-on réussit à la réanimer ?
Si oui Qu’est elle devenue ?
Où se trouve cette sage femme ?
Ma fille vit elle quelque part, au Maroc, en France ou en Espagne ?

Une chose est sûre, j’ai passé 40 ans de ma vie à chercher et à souffrir en solitaire.
40 ans durant lesquelles, cette fille ne m’a jamais quitté d’un pouce, elle était sur mes épaules, sur mon dos, sur mes genoux.
Accrochée à moi, traînant derrière moi.
Suspendue à mes bras, je la poussais, l’amenait là ou j’allais ; elle ne me quittait pas d’un pas jusqu’à partager mon lit.
Jamais pendant 40 ans elle ne m’a laissé le moindre répit.
Exigeante, omni présente, elle demandait de l’attention, de l’aide, de l’affection.
Pendant 40 ans cette fille écrasait la totalité de mon corps comme elle écrasait mon morale.
42 ans ma souffrance ne fut partagée que par une personnes, une seule.
Une femme appartenant à ma famille.

Cette femme a volé à mon secours heure par heure minute par minute seconde par seconde.
Elle était là, nuit et jour elle allégeait mes souffrances.


Elle a enduré le même calvaire que le mien, elle m’a porté secours, elle a partagé mes peines physiques, elle a porté cette fille quand j’étais fatiguée, elle l’a poussée quand je n’en pouvais plus, elles l’a prise sur ces genoux quand les miens étaient meurtris, elle a allaité quand j’avais plus de lait, elle a mis et remis les couches quand j’étais à bout.
Elle me donnait à boire quand j’avais soif, elle me rassurait quand je déprimais, me confortait me parlait …
Oui cette femme était mon ange gardien, ma bouée de sauvetage, mon secours de tous les instants.
Or, cette femme habitait à Oujda, à 45 Kms de mon village, comment a-t-elle pu faire tout cela quotidiennement alors qu’elle-même avait une charge familiale importante ?
Je ne saurais jamais répondre à cette question.

Jamais cette femme n’a su et ne saura qu’elle menait une double vie, jamais elle ne pouvait imaginer que son corps était certes à Oujda mais que son âme était à mes cotes.
Cette femme morte maintenant n’a jamais rien su de son vivant de cet aide qu’elle m’apportait, de ce soin qu’elle me prodiguait.
Durant toute sa vie je n’ai eu le courage de lui avouer tout ce qu’elle avait fait pour moi.
Je le regrette amèrement, j’irais certainement lire quelques versets sur sa tombe en guise de remerciements et pour lui demander pardon.
Je raconterais à sa famille toute l’aide que cette sainte femme m’a apportée.

Que dieu l’entoure de sa bénédiction et quelle repose en paix dans son paradis.

Oui cette femme MERIAM était une sainte je ne le dirais jamais assez.
A Oujda ; sa maison était connue de tous les gens issus de son village natal, tout ceux en transit cherchant où se loger trouvaient refuge chez elle.
Ceux qui avaient faim pouvaient manger à leur faim chez elle…

Ma souffrance, son sacrifice allaient durer 40 ans, aucune issue me disais –je souvent.
J’étais persuadée que cette fille allait m’obséder toute ma vie ! Quand le miracle se produisit, un miracle étonnant, inattendu et mystérieux.


J’ai décidé de prendre l’avion !

Les formalités réglées, l’avion prit son envol vers une destination vers un lieu, celui de ma délivrance.
Bien entendu mes deux anges gardiens étaient à mes côtés, ma fille allait de genoux en genoux de bras en bras.
J’avais ressenti une agitation particulière chez elle ce jour là.
L’avion décolla et le parcours se déroula dans des circonstances assez particulières tant la surexcitation de ma fille était palpable.
Le poids de cette fille qui écrasait mon corps depuis 40 ans était toujours aussi pesant.
Le commandant de bord annonça l’imminence de l’atterrissage.
Les préparatifs d’usage furent accomplis.
Les hôtesses de l’air ouvrirent les portes et je fus la première à descendre.
La lente descente de passerelle me donna l’impression de peser es tonnes.
A peine, mes pieds eurent touché le sol qu’un miracle se produisit.

Tout le poids que je portais sur moi durant 40 ans s’envola laissant place à un bien être extraordinaire.
Je me sentais flotter et voler en extase.
Mes douleurs disparairent et un bien être indescriptible s’est emparée de moi.
C’était la délivrance tant attendue, l'obsession s'extirpa par enchantement. Le lourd fardeau porté depuis 40 ans disparaît….
Je venais de fouler une terre sainte, je venais d’arriver à DJEDDA pour mon pèlerinage à la Mecque.
Merci mon dieu.
Que dieu me pardonne
Que Mériam repose en paix.
Que ma fille repose en paix auprès dans anges.

Et si elle était encore en vie quelque part ??????????


 

 



 

 

 

 

Publié dans boubeker

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